La construction des remparts d’Aigues-Mortes, projet envisagé dès 1266, débute enfin en 1272. Cependant, l'enceinte n'est encore qu'à moitié terminée en 1285. Un rapport du sénéchal de Beaucaire, commandé par le roi en 1289, révèle que les travaux progressent lentement, probablement en raison de contraintes financières.
Le coût élevé des travaux pèse lourdement sur le trésor royal. Aigues-Mortes, devenu un important centre d'exportation de draps teints de Montpellier, accueille également des épices, soieries et produits de luxe d'Orient. En tant que relais commercial majeur de la République de Gênes, sa richesse contribue au financement des travaux à travers une taxe portuaire, le denier, prélevée sur chaque livre de marchandises transitant par le port. L'achèvement de l'enceinte se réalise dans la dernière décennie du XIIIème siècle ou au début du XIVème, avec un entretien régulier de la place en tant que défense côtière du royaume.
La ville d'Aigues-Mortes, fondée entre 1246 et 1272, précède de 26 ans la construction des remparts. La disposition des portes est influencée par l'urbanisme préexistant, les espaces irréguliers résultant de l'expansion urbaine. L’aménagement de l’étang de Psalmodi en tant que bassin de mouillage guide les premières artères de la ville naissante vers le rivage.
À environ 3 km au nord de la ville, une tour défensive, appelée plus tard la « Tour Carbonnière », est érigée pour protéger l’unique voie d’accès terrestre. Mentionnée dans un texte de 1346 comme un élément crucial de défense, elle est gardée par une garnison équipée pour assurer la sécurité du royaume.
À la mort de Louis IX, les fondations des remparts ne sont encore qu'en partie tracées. Son fils, Philippe le Hardi, reprend les travaux en 1272 avant de s’engager dans une guerre contre le Royaume d’Aragon, ce qui suspend les travaux. Ceux-ci reprennent en 1285 sous Philippe le Bel, et l’enceinte est achevée au début du XIVème siècle.
La ville fortifiée présente un quadrilatère presque parfait, flanqué de tours et percé de portes. Les plans originaux sont l'œuvre de Louis IX et de son architecte Eudes de Montreuil, remplacé par Cominelli après la mort de ce dernier en 1289. Les remparts, longs de 1634 mètres, sont soutenus par une plate-forme en bois reposant sur des pieux de chêne enfoncés dans le sol. La pierre calcaire, provenant des carrières de Beaucaire et des Baux, est acheminée par bateau.
Les remparts comportent 10 portes, dont la Porte de la Gardette au nord, longtemps la seule accessible. Le front ouest relie la Tour de Constance à la Tour des Bourguignons, marquée par les conflits de la guerre de Cent Ans. Le front sud abrite des portes telles que celles de la Marine, de l’Arsenal, des Galions, et de l’Organeau. Le front est est est encadré par la Tour de la Poudrière et celle de Villeneuve, avec les portes de la Reine et des Cordeliers. Le front nord présente deux tours de flanquement, la Tour de la Mèche et la Tour du Sel, ainsi que deux portes principales, Saint Antoine et la Gardette.
Le plan orthogonal des rues d’Aigues-Mortes, qui présente un tracé plutôt régulier, est généralement attribué à Hippodamos de Milet, un urbaniste du Vème siècle avant J.C. Cependant, il est probable qu’Hippodamos ait importé ce modèle de l’Orient mésopotamien. Le quadrillage orthogonal hellénistique s’est ensuite répandu dans les villes orientales fondées par les successeurs d’Alexandre le Grand, ainsi que dans les cités romaines, qui l’ont adapté à leur système militaire en intégrant les voies principales du cardo et du decumanus. Un exemple remarquable de cette planification romaine est celui de Timgad, dans l’ancienne province de Numidie.
Au Moyen Âge, malgré les destructions causées par les invasions successives, le renouveau urbain du Xème siècle n'a pas restauré la géométrie des villes antiques. Les villes médiévales adoptent généralement un plan plus organique, dicté par les nécessités de défense et les caractéristiques du terrain. Le plan d’Aigues-Mortes peut sembler original, mais le concept d'un plan quadrangulaire castral existait bien avant le XIIIème siècle. On retrouve des enceintes quadrangulaires dans d'autres régions influencées par l’urbanisme romain, même si le tracé des rues a souvent évolué.
Il est également intéressant de noter les similitudes entre le plan et l'architecture d’Aigues-Mortes et ceux de villes telles que Damiette, Saint-Jean d’Acre, et surtout Antioche. Les Croisades du XIIème siècle, qui ont ravivé les contacts avec l’Orient, ont sans doute influencé les conceptions urbanistiques en Europe chrétienne.
Louis IX, engagé dans les croisades et les projets de construction navale, a principalement concentré ses efforts sur la préparation des aménagements portuaires et la délimitation de l’espace topographique de la future ville. Il initie ces aménagements par la construction de l’église Notre-Dame des Sablons, ainsi que par la réalisation de quelques édifices contemporains, tels que les bases de la Tour de Constance et le couvent des Cordeliers.
Place Saint Louis - BP 23
30220 AIGUES-MORTES