Dès 1244, l'architecte Eudes de Montreuil esquisse les premiers plans ambitieux pour le port et la ville d’Aigues-Mortes. Jean de Joinville, futur chroniqueur dévoué du roi Louis IX, raconte avec soin la collaboration quotidienne du roi avec son architecte. Pendant quatre ans, tout le pays se mobilise pour mener à bien ce colossal projet, mais non sans tensions. La corvée royale imposée à de vastes régions, jusque bien au-delà d’Alès, engendre des mutineries. Pour apaiser les esprits, le roi propose alors des exemptions fiscales aux travailleurs : suppression des impôts, des tailles, des péages et des gabelles.
En juillet 1244, Louis IX s’installe à Aigues-Mortes, accompagné de sa femme Marguerite de Provence, ainsi que de ses frères Robert d’Artois et Charles d’Anjou. Tous les grands seigneurs du royaume sont conviés à le rejoindre. Installé dans une demeure mise à disposition par les Templiers – encore connue au siècle dernier sous le nom de "l’oustaou dai Crousa", le logis des Croisés – Louis supervise les préparatifs pour la croisade imminente.
Pourtant, malgré quatre ans d’efforts, Aigues-Mortes n’existe pas encore véritablement. Si les travaux sur le port avancent bien, avec plus de sept cents navires prêts à accueillir provisions, chevaux et soldats à l’abri des tempêtes, la ville et ses fortifications ne sont encore qu’à leurs balbutiements. Seuls les deux premiers étages de la Grosse Forte Tour, future Tour de Constance, sont achevés. Creusée à vingt mètres de profondeur pour enfoncer ses solides pilotis, elle attend encore son phare, déjà prévu pour guider les marins pendant des siècles.
Au moment du départ, Aigues-Mortes est en effervescence : des dizaines de milliers d’hommes, de chevaux, de marins et de constructeurs remplissent la région, formant un camp s’étendant jusqu’au-delà de Maguelone. Près des remparts inachevés, les étangs du Port, du Levant, du Roy et du Repausset bordent la ville, reliant facilement les eaux à la mer.
La flotte de six à sept cents navires est impressionnante. Parmi eux, de majestueuses nefs génoises telles que le "Saint Esprit" et la "Lombarde", ou encore la "Montjoie", nef royale d’Arles et de Marseille, sont prêtes à embarquer croisés et chevaux. Les chantiers de Barcelone à Gênes travaillent sans relâche pour fournir suffisamment de bateaux, et l’arrière des huissières s’ouvre sur les plages pour charger les chevaux qui voyageront en mer dans de vastes écuries flottantes.
Les croisés sont installés au-delà du port, sous une mer de tentes et de bannières colorées qui s’étendent à perte de vue. Louis IX et sa cour assistent à une messe solennelle dans l’église d’Aigues-Mortes avant de monter à bord de la "Montjoie". À ce moment, la flotte immense se déploie, prête à s’aventurer sur les eaux de la Méditerranée.
Le vent capricieux retarde le départ, mais le 27 août 1248, la gigantesque armada s’ébranle enfin en direction de Chypre, où des provisions ont été accumulées depuis deux ans. Après la croisade, une tempête les force à accoster à Hyères.
Malgré ses souffrances, Louis IX, déterminé, repart pour sa dernière expédition en 1270, espérant convertir les musulmans de Tunis. Malheureusement, l’armée est ravagée par la peste, et le roi meurt le 25 août 1270, allongé sur un lit de cendres. Canonisé en 1297, Louis IX demeure une figure légendaire, son héritage gravé dans l’histoire d’Aigues-Mortes.
Place Saint Louis - BP 23
30220 AIGUES-MORTES