Aigues-Mortes - Sauniers

Claude Viallat : l’artiste des vitraux d’Aigues-Mortes

Dans le cœur minéral d’Aigues-Mortes, baignée de silence et de lumière, l’église Notre-Dame-des-Sablons est traversée de couleurs. Elles viennent des vitraux créés par Claude Viallat, figure majeure de l’art contemporain français, cofondateur du mouvement Supports/Surfaces. Plus qu’un ornement, ces vitraux sont une expérience sensorielle et méditative. Rencontre avec un artiste dont le travail n’a jamais cessé de dialoguer avec la matière, la lumière, et l’intime.

Portrait du créateur des vitraux de l’église Notre-Dame-des-Sablons

Claude Viallat, né à Nîmes en 1936, a grandi entre la plaine camarguaise et l’ombre des taureaux. Formé aux Beaux-Arts de Montpellier, il appartient à cette génération d’artistes qui, dans les années 60, ont remis en cause la peinture traditionnelle. Avec quelques amis, ils créent un art libéré de la représentation, exposant hors des circuits officiels : dans la rue, dans les champs, ou encore dans les arènes. « Ce n’était pas pour s’amuser, c’était une nécessité. On ne nous exposait pas, alors on s’exposait nous-mêmes. »

Claude Viallat

Un travail où la forme est primordiale

Dans son atelier, Claude Viallat explore inlassablement la même forme, une sorte de « haricot », qu’il répète sur des tissus non tendus. « Elle n’a pas d’intérêt symbolique, géométrique ou décoratif. Je travaille, c’est tout. Je ne me trompe jamais, puisque je ne cherche rien de précis. » Une démarche d’humilité radicale, où l’artiste devient spectateur de sa propre œuvre. « En fait, ce sont des fragments de quelque chose qui est plus grand », explique-t-il. Cette approche intuitive et dénuée de symbolisme se manifeste dans toute son œuvre, des toiles aux vitraux.

Claude Viallat - Oeuvres

Retour sur son parcours et ses inspirations

Claude Viallat a toujours peint avec urgence et sincérité, loin des modes ou de la recherche de reconnaissance. L’art s’est imposé naturellement : « Je suis allé aux Beaux-Arts à Montpellier, j’ai passé un concours, monté un atelier… À partir du moment où je faisais de la peinture, la messe était dite. »

Né à Nîmes, il revendique son attachement à la culture taurine, héritée de son enfance : « Mon père était notaire à Aubais, les taureaux m’ont toujours fasciné. » Cette influence camarguaise se retrouve dans son travail, notamment dans les vitraux d’Aigues-Mortes, où la lumière et les couleurs vibrantes évoquent le Sud et ses passions.

Aigues-Mortes - Église Notre Dame des Sablons (intérieur)

Vitraux : une lumière d’apaisement

Lorsque Bernard Durand, alors adjoint à la culture à Nîmes, lui propose de créer les vitraux de l’église Notre-Dame-des-Sablons, Claude Viallat hésite. « Les vitraux, ça ne me disait pas grand-chose. J’aime faire les choses moi-même, sans déléguer. » Protestant de naissance, il garde en mémoire l’histoire douloureuse d’Aigues-Mortes, bastion catholique marqué par la répression. Mais il finit par accepter, encouragé par ses proches, un autre projet à Nevers… et la découverte d’un lieu singulier. 

Avec le maître verrier Bernard Dhonneur, il imagine un nouveau langage : pas de plomb, mais trois verres superposés, colorés et travaillés à l’acide. Cette technique donne une profondeur vibrante aux couleurs. « À Aigues-Mortes, les vitraux sont à hauteur d’yeux. À l’extérieur, ils évoquent le cuir ancien ; à l’intérieur, une harmonie colorée. » Viallat crée ainsi une lumière presque tactile, apaisante, sans symboles religieux, mais pleine de spiritualité.

Aigues-Mortes - Église Notre Dame des Sablons (intérieur)

Une œuvre vivante et libre

À ceux qui cherchent du sacré ou du symbolique dans ses vitraux, Claude Viallat répond simplement : « Je n’ai pas travaillé avec le prêtre. Je n’ai pas fait de scènes religieuses. J’ai voulu ouvrir un espace de méditation. » Dans une baie, une croix un peu tordue évoque discrètement l’histoire complexe du lieu. Plus qu’une œuvre religieuse, il s’agit d’une création libre, vivante et baignée de lumière.

Claude Viallat, peu influencé par les maîtres du vitrail, s’inscrit pourtant dans une tradition ancienne : celle d’utiliser la lumière comme langage. À Bois Orcan, près de Rennes, les couleurs choisies pour une chapelle restaurée se révèlent, par intuition, identiques à celles d’origine du XVe siècle. Une coïncidence troublante, née du lien instinctif entre geste et lumière.

Claude Viallat - Interview

Un dialogue avec l’histoire d’Aigues-Mortes

Le lien de Claude Viallat avec Aigues-Mortes est intime et profondément enraciné. « Ça fait partie de mon vécu et de l’air dans lequel je me déplace plus facilement. C’est-à-dire que je vais plutôt du côté de la mer que du côté de la montagne. » Son lien avec cette terre, et particulièrement avec la tradition taurine, se reflète aussi dans l’histoire locale, marquée par la répression des protestants à Aigues-Mortes, dont Claude Viallat se souvient, tout en offrant une œuvre de réconciliation. « L’histoire d’Aigues-Mortes était un peu lourde à porter, oui. J'ai fait un vitrail où il y a une croix qui est un peu tordue et qui est un peu universelle. »

Claude Viallat - Atelier

Légitimité et réception des vitraux d’Aigues-Mortes

Depuis leur installation dans les années 1990, les vitraux de l’église ont provoqué débats et incompréhensions. « Au début, les gens ont très mal réagi. Aujourd’hui, ils sont acceptés. Ils font partie du lieu. » L’artiste n’attend pas la reconnaissance. Il souhaite seulement que ses œuvres soient regardées. Et peut-être, qu’elles puissent offrir un peu de ce qu’il appelle l’apaisement.

Claude Viallat - Interview

Claude Viallat continue de créer chaque jour. À plus de 85 ans, il travaille sans relâche, répétant inlassablement la forme et la couleur, fidèle à une pratique qui ne cesse d’interroger notre manière de voir. Ses vitraux sont visibles à l’église Notre-Dame-des-Sablons à Aigues-Mortes, monument vivant où l’art contemporain se fond dans la pierre séculaire pour mieux faire rayonner la lumière.

Tous droits réservés – reproduction, diffusion ou utilisation interdite sans autorisation écrite préalable de l’Office de Tourisme d’Aigues-Mortes.

0